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Pendant ce temps, le mari achève le défrichage d’autres parcelles, à l’intérieur du même
jardin, en même temps qu’il commence la construction d’une barrière qui ne sera le plus
souvent jamais terminée. L’ensemble des opérations de défrichage et de plantation dure
plusieurs mois, souvent cinq ou six, car elles sont quasi exclusivement prises en charge
par le mari et son (ses) épouse(s). Notons qu’il s’agit là d’une différence fondamentale
avec les Anga du nord (les Baruya par exemple) chez lesquels la coopération entre les
hommes dans le travail, notamment entre des beaux-frères, constitue un point fort de
l’organisation sociale.
Après six ou huit mois, les patates douces sont progressivement récoltées, mais 1l faut
attendre plus longtemps (plus d’un an) pour le “taro Kong Kong” (Xanthosoma
sagittifolium) et les Colocasia, dont quelques boutures sont replantées au moment de la
récolte. Deux ans après la première plantation, les taros sont encore exploités, de même
que les bananiers (pendant 4 ans environ) et certains légumes à feuilles (notamment “‘ara”
jaa andoba””, identifié comme Elaeocarpus sepikanus ; voir l’inventaire ci-après). Ici
comme ailleurs en Nouvelle-Guinée, l’arrachage des mauvaises herbes est effectué
régulièrement, au moins pendant les premiers dix-huit mois d’existence du jardin, dont la
netteté est un des indicateurs de la qualité du travail de l’horticultrice et, plus
généralement, de son statut de “bonne” ou de “mauvaise” épouse.
Les arbres fruitiers de la forêt : une ressource essentielle
Tout au long de l’année, les fruits de Pangium edule ou de Pandanus conoideus sont
disponibles. Leur présence à des altitudes différentes sur le territoire (de 600 à
1 000 mètres pour le premier et de 600 à 1 500 mètres pour le second) entraîne un
étalement de la fructification dans le temps, et partant, de la cueillette de leurs fruits. Ceux
du pandanus rouge sont consommés pendant les plus fortes pluies (de septembre, dans les
zones les plus basses, à avril-mai, pour les arbres situés plus en altitude), plusieurs fois
par semaine au plus fort de la saison ; ceux du Pangium edule mûrissent pendant la
période plus sèche (d’avril à août), et sont encore consommés irrégulièrement de mai à
septembre, compte tenu du temps nécessaire à leur préparation. Pangium edule est le plus
souvent exploité en semi-cueillette. Autrement dit, il se multiplie spontanément dans un
milieu rendu propice du fait du traitement des fruits sur place, à l’endroit même où les
arbres poussent : certains fruits sont oubliés et donnent naissance à de nouveaux arbres,
ce qui, au fil des saisons, favorise l’apparition de petits vergers, qui sont alors entretenus
volontairement. En outre, le piétinement régulier des lieux gêne la repousse des
mauvaises herbes (Barrau, comm. pers.). Quant aux différents cultivars du pandanus
rouge, ils sont en général plantés et font toujours l’objet de soins attentifs, notamment
parce qu’ils constituent d’importants marqueurs du territoire (Bonnemère, Lemonnier
1992).
Comme on l’a vu, outre Pangium edule et les deux pandanus, les Ankave de la vallée
de la Suowi consomment également des quantités non négligeables de fruits d’Artocarpus
altilis et de Finschia chloroxanthaë ainsi que de nombreux légumes à feuilles de la forêt
et des champignons. À l’exception du pandanus rouge en saison, aucun des fruits de ces
divers arbres ne fait l’objet d’une consommation fréquente, mais, apparaissant dans la
diète à tour de rôle, ils apportent des compléments alimentaires de diverses natures qui
8 Les habitants de la vallée de l’Ankave-Swanson consomment en outre en abondance les fruits de
Terminalia kaernbachii, car l’altitude de leur territoire est favorable à la présence de cet arbre.
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